Vingt-trois heures sur le chemin du retour, nous sommes quinze empilés dans l’utilitaire Mercedes de Johnny et de sa femme Bridget. Recroquevillé sur mes genoux, les bras serrés autour de mon cou, le petit Cooper s’effondre. Avec ses neufs frères et sœurs derrière moi, ce qui me frappe surtout à cet instant, c’est le calme absolu – quasi religieux – comme une règle tacite que chacun semble s’être imposé. Une heure plus tôt, nous passions la soirée au milieu d’un parc national en plein cœur du Texas, à quelques miles seulement de la frontière mexicaine. Chaque jeudi de l’été, les villages environnants se retrouvent pour fêter les beaux jours au rythme des danses texanes. Nous étions peut-être cinq cent ce soir-là. Parées de leur plus belle robe et maquillées d’un rouge à lèvres léger, les trois filles du couple alternaient les pas répétitifs – deux en avant, un en arrière – aux bras de quelques cow-boys en herbe, pendant que leurs sept frangins bien vifs s’excitaient autour du photomaton ou dans de folles courses poursuites près de la rivière. A ce jeu-là, Cooper était le plus fort. Une bourrasque ! Au bout du troisième tour, j’étais déjà sur la touche – un point de côté – à essayer de suivre du regard les petites lumières rouges de ses semelles s’éloigner dans la nuit.

« Cooper a presque deux ans quand nous l’avons adopté, avec son petit frère CJ, c’était début 2013. Pas longtemps avant, leur mère avait été retrouvée quasi inconsciente dans son appartement, défoncée par je-ne-sais-quelle drogue. C’est une voisine qui appela le 911 ; les deux gamins ont de suite été pris en charge. Des tests ont montré que le petit dernier, d’un mois à peine, était alors positif à la méthamphétamine. »
Avec la contribution de Claire Valera
Répondre à Cooper, ce tendre chérubin